Regard sur

Le master Etudes sur le genre

Le Master "Etudes sur le genre" de l'université Paris 1 Panthéon Sorbonne existe depuis 2019. Il est ouvert aux titulaires de licences en économie, en sciences humaines et sociales pour l’entrée en Master 1 et propose également une entrée directe en Master 2 pour les étudiant.e.s déjà formé.e.s au domaine du genre et titulaire d'un Master.

Les études de genre font l’objet d’une attention grandissante dans l’espace public (médias, débats politiques). Les questions de la domination masculine, des stéréotypes de genre, des violences et féminicides etc., sont devenus des enjeux sociaux contemporains.

Interview de Delphine Brochard, Maître de conférences et co-responsable avec Sandra Laugier du Master 1 et 2 « Etudes sur le genre. »

 

Comment définiriez-vous le concept d’études sur le genre ?


Les études de genre (gender studies) désignent des recherches pluridisciplinaires qui ont pour objet le genre en tant que construction sociale et historique, et examinent la façon dont cette construction influence les différentes dimensions de l’existence sociale et est forgée en retour. L’enjeu est notamment de déconstruire les stéréotypes et les normes de genre, de révéler les dynamiques de pouvoir entre les sexes, et de promouvoir l'égalité des genres. Les études de genre travaillent également la question de l’intersectionnalité, c’est-à-dire l’interaction du genre avec d’autres dimensions de l’identité comme, par exemple, la sexualité, la classe sociale, l’origine géographique, ou la race pour reprendre la terminologie américaine.
 

Ce master genre pluridisciplinaire s’inscrit dans un parcours économie et démographie, pourriez-vous nous en dire davantage ?  


Le master est organisé autour d’un tronc commun et de parcours disciplinaires. Le parcours économie et démographie est l’un de ces parcours. Le tronc commun assure un socle de connaissances fondamentales sur les questions de genre, croisant différentes perspectives disciplinaires (philosophie, arts, histoire, littérature anglophone, science politique, économie et démographie). Le parcours disciplinaire permet, en parallèle, de poursuivre l’apprentissage des outils analytiques et méthodologiques spécifiques, initiés en licence d’économie ou de démographie.

L’objectif est de former des expert.e.s et des chercheurs.euses capables non seulement d’analyses démographiques et économiques mais également de croisements fertiles avec d’autres perspectives analytiques.


Ces formations sont récentes dans le paysage universitaire français contrairement à ce que l’on peut observer à l’étranger, notamment aux Etats-Unis. Comment l’expliquez-vous ?


Contrairement aux Etats-Unis, la France n’est pas un pays en pointe sur les questions de discriminations. Si des chercheuses françaises se sont intéressées depuis longtemps aux questions de genre et sont à l’origine de contributions importantes, la reconnaissance et la structuration institutionnelles de ce champ sont relativement récentes. Et des réticences demeurent. Si l’EES a été, avec l’UFR de philosophie, à l’initiative de la création de ce master et y alloue des moyens, nous peinons à impliquer d’autres UFR.


On a souvent soupçonné dans la presse ces programmes de faire preuve d’un engagement militant important. Qu’en pensez-vous ?

Sur la page de présentation du master, nous indiquons que l’objectif de cette formation est « de former des chercheur.e.s, des professionnel.le.s, aptes à l’analyse critique des différences et hiérarchies de genre, de leurs causes, fonctionnement, histoire et liens à d’autres formes de domination et d’exploitation, ainsi qu’à la mise en œuvre des moyens de les combattre, contester et compenser ». Donc, oui, la vocation émancipatrice est assumée. Mais cela ne signifie pas que nous ne formons pas nos étudiants à la rigueur et aux exigences d’une pensée scientifique.

La parité est-elle respectée au sein du master ? Y-a-t-il beaucoup d’étudiantes inscrites en Master 1 et Master 2 y compris dans le corps enseignant de manière générale ?

Dans notre master, comme dans les études de genre, les femmes sont très majoritaires. Ce qui n’a rien d’étonnant quand on connaît le sens des inégalités et de la domination. Mais les choses évoluent. En économie, de plus en plus d’hommes investissent cette question et cherchent les moyens de lutter contre les discriminations liées au genre ou à l’orientation sexuelle.

Cet investissement des hommes est cruciale pour que la question avance sur le plan social et politique. Donc j’espère que la présence des hommes dans notre master va se renforcer.

Saviez-vous que l’EES compte 2782 étudiantes sur 5604 étudiants au total. La parité semble respectée du côté des étudiants. Ce chiffre vous étonne ?

Le chiffre ne m’étonne pas car cette présence des étudiantes fait partie de mon quotidien d’enseignante et les jeunes femmes sont aujourd’hui surreprésentées dans l’enseignement supérieur. Reste à savoir si cette présence féminine dans les cursus d’économie peut contribuer à réduire la ségrégation professionnelle des femmes, en augmentant la proportion de femmes dans les professions et les secteurs d’activité à dominance masculine et favoriser l’accès des femmes aux postes les plus valorisés.

Les nombreuses études montrant comment la maternité continue de peser sur la carrière des femmes, ou, plus spécifiquement dans notre milieu, comment la proportion de femmes diminue tout au long de la hiérarchie des positions académiques, ne poussent pas à l’optimisme. Mais si nous sensibilisons nos étudiantes et nos étudiants à cette problématique, ils pourront contribuer à changer les choses.